Pour la cour de cassation, un tel refus constitue un délit au sens de l’article 434-15-2 du code pénal qui « punit de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre (…) ».
La question pour la Cour était de savoir si le code de déverrouillage d’un smartphone était ou non une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ».
Selon l’article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, un moyen de cryptologie s’entend de tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète. Les moyens de cryptologie ont principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d’assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité.
Une convention de déchiffrement s’entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d’une donnée transformée par un moyen de cryptologie, que ce soit à l’occasion de son stockage ou de sa transmission. Il en résulte que le code de déverrouillage d’un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement si ce téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie.
Dès lors, il incombe au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un tel moyen et si son code de déverrouillage permet de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contient ou auxquelles il donne accès.
Les faits
Un individu est arrêté pour détention de drogue. Pendant sa garde à vue, il refuse de donner les codes de ses deux smartphones. La cour d’appel le relaxe au motif qu’il ne s’agit pas d’une « convention de déchiffrement » car déverrouiller un téléphone ne permet pas de décrypter des données mais simplement de débloquer l’écran d’accueil.
Le droit
Dans son arrêt du 13 octobre 2020, la chambre criminelle de la cour de cassation a censuré cette décision en estimant que le code de déverrouillage peut constituer une clé de déchiffrement si l’appareil dispose d’un moyen de cryptologie, mais la cour d’appel de renvoi n’a pas suivi cette position et a relaxé une nouvelle fois le prévenu.
Dans sa décision du 7 novembre 2022, la Cour de cassation annule l’arrêt d’appel et désigne la cour d’appel de Paris pour rejuger l’affaire. Se fondant sur la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, elle pose que si un téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie (ce qui est le cas des smartphones), le code de déverrouillage peut constituer une clé de déchiffrement si l’activation de ce dernier permet d’accéder aux informations contenues dans l’appareil. Refuser l’accès d’un appareil utilisé pour commettre un crime ou un délit est donc constitutif d’une infraction.
Voilà une décision peu favorable aux droits de la défense mais qui va assurément faciliter le travail des enquêteurs…
Cass. soc. 7-11-2022 pourvoi n° K 21-83.146 arrêt n° 659 B + R