07.89.78.21.88. Urgences pénales et droit du travail - 04.32.76.30.18.

Jusqu’à présent, en cas de litige sur la réalité des heures supplémentaires, c’était parole contre parole et preuves du salarié contre preuves de l’employeur, la charge de la preuve ne revenant pas plus au salarié demandeur qu’à l’employeur défendeur.

Mais la décision de la Cour de Cassation du 18 mars 2020 vient aménager la charge de la preuve qui pesait sur le salarié pour démontrer l’existence d’heures supplémentaires réalisées par lui et non payées par l’employeur.

Rappel de la situation avant l’arrêt

Le Code du Travail impose à l’employeur le décompte des heures réalisées par le salarié lorsque ce dernier n’effectue pas un horaire collectif de travail et impose à l’employeur de tenir à disposition de l’inspecteur du travail le décompte des heures effectuées par ses salariés.

Et pourtant, en cas de litige concernant la demande de paiement des heures supplémentaires par le salarié devant le conseil des prud’hommes, la charge de la preuve n’est pas uniquement à la charge de l’employeur, elle est partagée entre l’employeur et le salarié.

Ainsi depuis 2004, la Cour de Cassation jugeait que la charge de la preuve des heures supplémentaires n’incombait spécialement à aucune des parties mais qu’il appartenait tout de même au salarié d’apporter préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En 2010, la Cour précise que le salarié doit apporter des éléments de nature à étayer sa demande, c’est-à-dire des éléments suffisamment précis (en l’espèce un décompte mensuel des HS établi au crayon par la salariée) pour que l’employeur puisse y répondre en apportant ses propres éléments de preuve. La jurisprudence des années suivantes a permis une certaine souplesse dans la production de la preuve par le salarié : des relevés quotidiens du temps de travail identiques pour chaque jour (8H00-12H00/ 14H00/18H00) ou encore un tableau de décompte des heures supplémentaires réalisées sans décompte quotidien et établi a posteriori par le salarié.

L’apport de l’arrêt

Dans les faits, le salarié avait apporté des éléments à l’appui de ses demandes qui semblaient invraisemblables ou qui se contredisaient entre eux mais de son côté l’employeur n’avait pas, contrairement à son obligation légale, enregistré le temps de travail de son salarié.

La Cour d’Appel avait rejeté la demande du salarié en paiement des HS, retenant l’argumentation de l’employeur qui se contentait de critiquer les éléments de preuve apportés par le salarié.

La haute Cour décide que désormais l’obligation pour le salarié d’apporter des éléments permettant « d’étayer » sa demande est supprimée car elle crée la confusion chez les juges du fond qui avaient tendance à interpréter la notion d’étaiement comme une charge de la preuve pesant sur le seul salarié.

Dorénavant, elle privilégie la notion de production « d’élément à l’appui de sa demande » suffisamment précis pour que l’employeur puisse répondre en produisant ses propres éléments de preuve. L’employeur ne peut donc plus se contenter de souligner les incohérences ou invraisemblances des éléments produits par le salarié. Comme il a l’obligation d’enregistrer le temps de travail de son salarié, il doit en aussi produire ses propres éléments de preuve en réponse. A défaut, il doit être condamné.

La haute Cour ajoute que le juge fixe le montant de la créance dû aux titres des heures supplémentaires : « il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul ».

Cour de Cassation, arrêt du 18 mars 2020 n°18-10919