Inaptitude physique : des procédures simplifiées
Entrée en vigueur
Le nouveau dispositif n’entre pas en vigueur immédiatement. Sa mise en œuvre nécessite des décrets d’application, à paraître au plus tard le 1er janvier 2017.
L’avis du médecin du travail
Une définition de l’inaptitude physique insérée dans le Code du travail
Un salarié est déclaré physiquement inapte par le médecin du travail lorsque celui-ci constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible, et que l’état de santé de l’intéressé justifie un changement de poste (C. trav. Art. 4624-4 nouveau). En conséquence, l’inaptitude physique du salarié impose de chercher un emploi de reclassement au salarié, sauf avis exprès contraire du médecin du travail.
La procédure de constatation de l’inaptitude physique est remaniée
Le médecin du travail déclare le salarié inapte s’il constate qu’il ne peut pas être réintégré sur son poste et que son état de santé justifie un changement d’affectation.
Une telle décision est nécessairement postérieure à (C. trav. Art. 4624-4 nouveau) :
-Une étude de poste du salarié, effectuée par le médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire ;
-Un échange entre le médecin du travail, le salarié et l’employeur.
Une fois sa décision prise, le médecin du travail doit recevoir le salarié sur rendez-vous pour échanger avec lui sur cette décision et sur les indications ou propositions qu’il compte adresser à l’employeur (C. trav. Art. 4624-5 nouveau).
Le respect de ces étapes implique nécessairement un décalage temporel entre l’examen médical du salarié et la déclaration d’inaptitude physique.
L’avis d’inaptitude physique doit être assorti de conclusions écrites
Dorénavant, l’avis d’inaptitude physique rendu par le médecin du travail est obligatoirement éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du salarié (C. trav. Art. 4624-4 nouveau), notamment sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté (C. trav. Art. L. 1226-2 et L. 1226-10 modifiés).
Le médecin présente ses conclusions au salarié, puis adresse le tout à l’employeur. Il peut proposer à ce dernier l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien dans l’emploi pour mettre en œuvre les indications ou propositions qu’il formule (C. trav. Art. 4624-5 nouveau).
L’avis d’inaptitude physique du salarié, assorti des conclusions du médecin du travail, s’impose à l’employeur. Si ce dernier refuse de les appliquer, il doit le faire savoir au salarié et au médecin du travail, par un écrit motivé (C. trav. Art. 4624-6 nouveau).
Il faut saisir le conseil de prud’hommes (CPH) pour contester l’avis du médecin du travail
A compter de l’entrée en vigueur de la loi, l’employeur ou le salarié qui conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions ou conclusions du médecin du travail, doit saisir le CPH en référé (C. trav. Art. 4624-7 nouveau).
La procédure mise en place ne concerne que les recours formés contre l’avis médical exprimé par le médecin du travail.
L’employeur ou le salarié demande à la formation de référé du CPH la désignation d’un médecin expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Il en informe le médecin du travail (C. trav. Art. 4624-7, I nouveau).
Le médecin expert désigné facturera les frais d’expertise au demandeur. S’y ajoutent les frais de justice.
L’obligation de reclassement du salarié inapte
Le reclassement s’impose même si l’inaptitude est constatée en cours d’exécution du contrat de travail
Notamment si l’inaptitude est constatée à l’occasion d’une visite médicale périodique, ou sur examen pratiqué par le médecin du travail à l’initiative du salarié.
L’employeur peut être dispensé de recherche de reclassement par le médecin du travail
Cette possibilité inscrite à l’article L. 1226-12 du code du travail pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et titulaires d’un CDI, est étendue à tous les salariés, quelle que soit l’origine de leur inaptitude physique, professionnelle ou non, et quelle que soit la durée de leur contrat.
Le médecin du travail peut désormais indiquer dans son avis d’inaptitude physique que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Cette mention expresse sur l’avis d’inaptitude physique autorise l’employeur à engager la procédure de licenciement sans avoir à rechercher un emploi de reclassement au salarié et ce, que l’intéressé soit victime d’un AT ou d’une MP ou d’une affection d’origine non professionnelle (C. trav. Art. L. 1226-2-1 nouveau).
Les procédures de reclassement sont unifiées
L’employeur d’un salarié physiquement inapte doit, avant de proposer un reclassement au salarié, consulter les DP lorsqu’ils existent et ce, quelle que soit l’origine de son affection (C. trav. Art. 1226-2 modifié et L. 1226-10).
Lorsqu’il est dans l’impossibilité de proposer un emploi de reclassement au salarié, l’employeur l’en informe par écrit. Il lui indique les motifs qui s’opposent à son reclassement (C. trav. Art. 1226-2-1 modifié et L. 1226-12).
L’emploi de reclassement proposé doit remplir plusieurs critères (C. trav. Art. 1226-2 et L. 1226-10 modifiés) :
-Il est approprié aux capacités du salarié
-Il tient compte de l’avis exprimé par les DP
-Il est conforme aux conclusions écrites du médecin du travail
-Il est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
La rupture du contrat possible après le refus de proposition (s) de reclassement conforme (s)
Le contrat de travail ne peut être rompu qu’en cas d’impossibilité de proposer un emploi répondant aux critères visés supra ou de refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi répondant aux critères visés supra en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (C. trav. Art. 1226-2-1 nouveau et L. 1226-10 modifié).
Médecine du travail : une surveillance des salariés plus sélective
La loi Travail recodifie en modifiant les articles L. 4624-1 et suivants du Code du travail. Les dispositions qu’elle prévoit entreront en vigueur à la date de publication des décrets pris pour son application, et au plus tard au 1er janvier 2017.
Une redéfinition de la mission de prévention des services de santé au travail
Il incombe désormais au médecin d’éviter toute altération de la santé des travailleurs ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail (C. trav. Art. 4622-3 modifié).
La visite médicale d’embauche remplacée par une visite d’information et de prévention
Actuellement, chaque salarié recruté doit subir une visite médicale avant son embauche ou dans les jours qui suivent. Pratiquée par le médecin du travail, elle est destinée principalement à évaluer l’aptitude du salarié au poste sur lequel il est affecté. Cet examen systématique est supprimé.
En lieu et place de la visite d’embauche, une visite d’information et de prévention est organisée après l’embauche, dans un délai fixé par décret à paraître pour les salariés affectés sur des postes ne présentant pas de risque particulier. Cette visite peut être effectuée par n’importe lequel des membres de l’équipe pluridisciplinaire. Celui-ci peut toutefois orienter le salarié vers le médecin du travail sans délai si cela s’avère nécessaire, et notamment lorsque le salarié en fait la demande.
L’aptitude du salarié à son poste n’est donc plus vérifiée a priori.
Un espacement des rendez-vous périodiques avec le médecin du travail
Actuellement, les salariés doivent être examinés par le médecin du travail au moins tous les 2 ans pour vérification de leur aptitude.
Ce suivi médical va désormais être effectué selon des modalités et une périodicité définies par un décret à paraître (C. trav. Art. 4624-10 modifié). Il prend en compte les conditions de travail (notamment le travail de nuit), l’état de santé (notamment le handicap ou la grossesse) et l’âge du salarié, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé (C. trav. Art. 4624-1, al.4 réécrit).
Tout salarié peut, de sa propre initiative, solliciter un examen médical. S’il est en arrêt de travail, le salarié a également la possibilité de solliciter l’organisation d’une visite dite « de pré reprise ».
Un suivi médical adapté pour certaines catégories de personnes
Le travailleur de nuit bénéficie actuellement d’un suivi médical au moins tous les 6 mois. Cette périodicité est revue : elle sera fixée par le médecin du travail en fonction des particularités du poste et de la situation personnelle du salarié, selon des modalités fixées par un décret à paraître.
Un suivi individuel adapté est prévu pour les travailleurs handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, les salariés en CDD et les travailleurs temporaires.
Une surveillance renforcée pour les salariés affectés à des postes à risque
Le travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou celle de ses collègues ou de tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé (C. trav. Art. 4624-12 réécrit).
Les modalités d’identification de ces salariés seront fixées par un décret à paraître (C. trav. Art. 4624-10 modifié).
L’aptitude physique est examinée dès l’embauche, et l’examen est renouvelé périodiquement. Il est pratiqué par le médecin du travail.
Après avoir examiné le salarié, le médecin qui le déclare apte à son poste peut préconiser des aménagements ou adaptations. Ces préconisations sont formulées par écrit, après échange avec l’employeur et le salarié (C. trav. Art. 4624-3 réécrit).
Les préconisations formulées par le médecin s’imposent à l’employeur.
Le chèque santé sur décision unilatérale de l’employeur pérennisé
L’article 34, V-B de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 autorise l’employeur à décider unilatéralement de mettre en œuvre, pour certains salariés sous CDD, contrat de mission ou à temps partiel, son obligation de couverture remboursement des frais de santé au moyen d’un « chèque santé ».
En l’état actuel des textes, l’employeur ne peut faire usage de cette faculté que jusqu’au 31 décembre 2016. L’article 62 de la loi supprime cette date butoir. Cette faculté est donc pérennisée.