Rappel
La liberté de la preuve admet tous les moyens de preuve, mais elle ne conduit pas pour autant à admettre la production de preuves obtenues de façon déloyale. Ainsi la preuve d’une faute grave tirée de l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué à l’insu du salarié, auteur des propos invoqués, n’est pas recevable.
Selon l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Mais cette règle est-elle toujours applicable ? Est-elle par exemple applicable en matière de harcèlement moral ?
Les Faits
Mme T J, engagée en qualité de responsable trafic, statut cadre, est mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis elle est licenciée pour faute grave au motif qu’un audit confié avec l’accord des délégués du personnel à une entreprise extérieure spécialisée en risques psycho sociaux avait révélé qu’elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation et l’efficacité collective. La salariée conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale.
La cour d’appel de Paris écarte le compte rendu de l’enquête confiée à un organisme tiers à l’entreprise et décide que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur aux versements de diverses sommes ainsi qu’au remboursement des indemnités de chômage.
L’employeur se pourvoit en cassation car il considère que l’enquête réalisée dans l’entreprise par un tiers en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement ont été dénoncés ne constitue pas un mode de preuve illicite, peu important que le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n’en ait pas été préalablement informé, ni n’ait été entendu dans ce cadre.
Le droit
La haute cour rappelle tout d’abord que selon l’article L. 1222-4 du code du travail et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Ensuite, si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.
Néanmoins, la cour de cassation ajoute qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié. En conséquence, elle décide que la cour d’appel a violé par fausse application le texte et le principe susvisés. Elle casse donc et annule l’arrêt en toutes ses dispositions.
Cass. soc. 17-3-2021 n° 18-25.597 FS-PI